Chemins vers l’oraison – Préface

Celui qui veut s’approcher de Dieu doit croire qu’il est. Chemins vers l’oraison, ce parcours que Annick Rousseau nous propose ici vise l’entrée dans la vie d’oraison. Il répond à une priorité très perceptible aujourd’hui. Dans la prière comme en toute relation d’amour, tout est dans le commencement.

Ce qu’il y a de déterminant dans la vie d’oraison, c’est de se rendre présent à la présence de Dieu : « Celui qui veut s’approcher de Dieu doit croire qu’il EST » (He 11, 6). Nous exposer de tout notre être à la présence de Dieu, c’est l’adoration qui est la source et l’accomplissement de toutes nos prières et même de tous nos actes. Une fois établi le contact avec la présence de Dieu, il suffit de continuer le chemin, de laisser l’Esprit Saint nous faire parcourir à notre tour le chemin de Jésus dans l’Évangile. C’est la vie de Jésus dans l’Evangile qui constitue la pédagogie de la prière.

Pourquoi privilégier l’oraison parmi les formes de la prière ? Ce qui ressort clairement du témoignage livré ici, c’est que l’oraison est le choix de s’engager totalement à la suite de Jésus dans le combat du Règne. C’est vivre l’urgence de l’Évangile dans notre monde qui meurt.

Ce parcours pédagogique est le fruit d’une expérience personnelle qui n’est pas désignée mais qui se laisse deviner. Il se présente sous la forme d’entretiens, proches du dialogue pastoral. Le domaine abordé ici n’est pas seulement l’acheminement vers l’oraison, mais plus radicalement l’entrée dans la vie de foi aujourd’hui, l’entrée dans la vie spirituelle. Non seulement ce parcours demande évidemment une lecture attentive mais aussi le respect des étapes qui sont clairement indiquées et ordonnées. Notre lecture devra constituer une traversée intellectuelle et spirituelle. Ce qui nous est demandé, c’est de prendre en compte patiemment les difficultés que rencontre la pratique de la vie d’oraison dans notre culture contemporaine et dans les épreuves de notre existence personnelle. Il y a là, au fil des pages, un débat qui est inhérent à l’assentiment de l’acte de foi.

Ce qui peut nous aider à comprendre de l’intérieur les moments de cet itinéraire spirituel, c’est de repérer certaines des lignes de fond qui le sous-tendent et de savoir déjà un peu où il nous conduit. L’affirmation fondatrice est bien celle de l’immensité de Dieu : Dieu EST et cela seul suffit ! C’est parce qu’il est la plénitude que Dieu peut en Jésus se faire humble et pauvre pour nous enrichir de sa pauvreté (2 Co 8, 9). C’est parce que le Père possède la vie divine (Jn 5, 26 et 6, 57) qu’il peut librement s’en dessaisir au profit du Fils de sa tendresse (Col 1, 13). La toute-puissance du Père consiste à se donner totalement en sa vie divine au point de susciter face à lui le Fils son égal, son image parfaite et subsistante. Quand le Père nous livre son Fils, il se donne entièrement à nous (Rm 8, 31-32). Tout ce parcours est aspiré par l’appel à l’adoration, dans la ligne de Charles de Foucauld. En filigrane, nous lisons le Notre Père qui est la source, l’école et le lieu spirituel de notre prière. Il est bien vrai que la prière de demande nous introduit dans la présence de Dieu. La prière vocale prépare et même contient l’oraison. La note discrètement carmélitaine est l’attention à la présence de Dieu plus intime à nous-mêmes que nous-mêmes. Le terme du parcours veut nous introduire dans le mouvement de fond que Jean de la Croix évoque dans la première strophe du Cantique Spirituel : la quête de l’âme-épouse pour retrouver Jésus caché. C’est peut-être à la figure de Jean de la Croix que nous pourrions rattacher le souci d’adorer Dieu en contemplant la beauté de la création, souci très marqué en cet essai.

L’objectif de cet essai était de nous conduire jusqu’à l’entrée dans la vie d’oraison. Les exigences qui se dégagent pour cela sont la nécessité de l’acte de foi avec son risque libérateur, le consentement au silence et à la pauvreté de la pure espérance, l’appui sur la communion des saints.

Vers la fin du parcours, dans un acte d’espérance, nous est proposée la forme accomplie de l’oraison qui est l’union d’amour de l’âme-épouse avec le Christ-Époux. La toile de fond est le Cantique Spirituel de Jean de la Croix. Mais comment passer du désir de l’oraison au terme de la route, proche de la porte du ciel ? La dernière étape du parcours nous indique le chemin qui est l’union d’amour à la Croix de Jésus par le consentement à la souffrance. Nous retrouvons l’oraison de recueillement qui est, pour Thérèse d’Avila, non seulement l’entrée dans l’oraison proprement surnaturelle et contemplative, mais même, tout au long de la vie, la condition de l’approfondissement de l’union à Dieu. Pour l’essentiel, cette oraison de recueillement consiste à accueillir la présence en nous de Jésus revivant sa prière de Gethsémani (Vie chap. 4, n°7 et chap.9, n° 4).

Comme l’Agonie de Jésus au Jardin des Oliviers et aux derniers moments sur la Croix est un abîme que dont nous ne saurions approcher, la présence de Marie nous ouvre l’accès qui est l’enfance spirituelle. Le parcours prendra fin avec le rappel de la prière de Samuel enfant dont la figure avait ouvert chacune des étapes. Comme nous nous y attendions, la dernière étape nous ouvre clairement ainsi l’accès à la vie d’oraison. Nous retrouvons l’enseignement de Benoît XVI dans son homélie du 15 septembre dernier à Lourdes : « Oui, quêter le sourire de la Vierge Marie n’est pas un pieux enfantillage, c’est l’aspiration, dit le Psaume 44, de ceux qui sont « les plus riches du peuple » (v. 13). « Les plus riches », c’est-à-dire dans l’ordre de la foi, ceux qui ont la maturité spirituelle la plus élevée et savent précisément reconnaître leur faiblesse et leur pauvreté devant Dieu. »

Père Jean-Claude Sagne